Des photographies de la mer prises près de Cerbère sont à l’origine de ce travail sur les Photographèmes.
Le photographe interroge l’horizon comme un lieu de recueillement où les pensées pour les êtres disparus à la fois s’effacent et reviennent infiniment, là où « les lignes poussent par le milieu » comme l’écrit Gilles Deleuze.
Ces petits panoramiques en argentique noir et blanc, pris à différents moments du jour et de la nuit et à différentes saisons explorent pour lui une énigme qu’il exprime ainsi : « l’horizon, cette frontière flottante que l’on ne peut franchir et qui semble sans cesse venir jusqu’à nous ».
Quant aux poèmes, ils s’adressent chacun à une photographie particulière.
Vient le moment de savoir comment les photographies et les textes peuvent être présentés ensemble sachant que le rapport entre l’image et l’écrit est toujours particulier, au sens où voir et lire ne recouvrent pas les mêmes intentions, les mêmes temporalités.
Dans Les Cahiers de la Photographie, Denis Roche note que « l’image arrête le temps en le figeant par rupture, l’écrit l’arrête par dilatation, divagation, en prenant son temps » ou encore « tressés ensemble l’iconique et le verbal se court-circuitent ».
L’idée de taper les poèmes à la machine à écrire et aux dimensions de la photographie se réalise peu à peu.
Les lettres gravent le papier faisant ainsi apparaître une série de tirages typographiques.
Chaque tirage d’un poème tente d’entrer en résonance avec une photographie, ou encore vient correspondre avec elle de façon plus abstraite, plus littérale aussi, même si « à la lettre » signifie ici poétiquement, par une simple variation de lumière, une vibration, un mouvement imperceptible.
Les lettres se mettent à varier en contraste et en densité à la façon de grains d’argent et les poèmes tapés à la machine se révèlent être illisibles, ils deviennent alors des images qui seront présentées au côté des photographies.
Chaque ensemble se nomme Photographème et donne à voir deux versions d’une réalité indicible.
Poèmes et tirages typographiques : Charlotte Bravi
Photographies : Pierre Lebouc